Comment construire l'Europe ?

L'harmonie entre Winston Churchill et le Général de Gaulle

Quant à l’avenir, il sera pétri de nos œuvres

Après l’échec des référendums en France et aux Pays-Bas pour la ratification du projet de constitution européenne, les autorités s’interrogent sur la meilleure voie à prendre pour poursuivre le processus de construction européenne. Une voie toute tracée serait de retourner aux nobles idéaux et aux idées simples des pères fondateurs.

Après le traumatisme de la seconde guerre mondiale, le premier géant de l’histoire à prôner la construction européenne est Winston Churchill qui en pose les jalons lors de son célèbre discours à Zurich, le 19 septembre 1946.

Après s’être lamenté sur la tragédie de l’Europe, Winston Churchill propose un remède pour qu’elle connaisse le bonheur, la prospérité et la gloire. Ce remède, c’est l’union de l’Europe, quelque chose comme les Etats-Unis d’Europe et il propose les moyens d’y arriver.

Il faut tout d’abord que le remède soit accepté par la grande majorité de la population de plusieurs Etats, soit organiser une vaste consultation populaire.

Ensuite, il faut dresser un cadre pour que l’Europe puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté, soit créer des institutions européennes.

Enfin, le premier pas vers la création de la famille européenne doit consister à faire de la France et de l’Allemagne des partenaires. Seul ce moyen peut permettre à la France de reprendre les rênes de l’Europe qui restera soumise à l’ONU et à laquelle la Grande–Bretagne, restant dans le Commonwealth, ne participera pas.

Le Général de Gaulle ne saisira pas immédiatement la voie que toute la justesse de son illustre protecteur proposait et il privilégia le couple franco-britannique.

Ainsi, lors d’une allocution prononcée le 9 juillet 1947 devant les membres de l’association de la presse anglo-américaine de Paris, il déclare : « aujourd’hui, l’entente profonde de Paris et de Londres (notamment sur la question allemande) est le fondement indispensable à toute construction européenne réellement valable et efficace ».

Deux ans plus tard, lors de son discours prononcé le 25 septembre 1949 à Bordeaux, il rejoint Winston Churchill en affirmant que « l’unité de l’Europe doit … incorporer les Allemands. Mais la raison exige que, pour cela, il y ait un jour moyen d’établir entre le peuple allemand et le peuple français une entente directe et pratique. Au fond, c’est le cœur du problème. Il y aura ou il n’y aura pas d’Europe, suivant qu’un accord sans intermédiaire sera, ou non, possible entre Germains et Gaulois. » Sa rencontre de septembre 1958 avec Konrad Adenauer est déjà dans son esprit.

La suggestion de Winston Churchill pour l’organisation d’une vaste consultation populaire rencontre l’assentiment du Général de Gaulle qui déclare : « Pour que l’unité européenne devienne une réalité vivante, et non plus un sujet international de dissertation ou un vain et coûteux ensemble de Comités, il faut qu’elle procède directement d’un grand mouvement populaire et de la volonté exprimée par les masses de l’Europe libre. Le premier acte de sa création doit être un référendum au suffrage universel, organisé à la fois dans tous les pays intéressés et par lequel les peuples eux-mêmes décideront d’abord de s’unir et donneront ensuite à un organisme constituant, formé des délégations de toutes les nations, le mandat d’organiser la confédération européenne .Ainsi sera donné le branle aux réalisations nécessaires, d’autant que le référendum imposera à l’organisme constituant l’obligation de faire ratifier par une nouvelle consultation populaire et dans un délai fixé, les institutions confédérales. D’autre part, si, comme tout permet de l’espérer, la réponse des peuples est favorable à l’unité, cet acte de souveraineté démocratique, accompli simultanément pour la première fois dans l’Histoire et dans de très graves circonstances par tous les citoyens libres d’Europe, manifestera leur solidarité d’une manière à la fois pratique et solennelle. Il peut y avoir là un fait d’une immense portée. »

Le 14 novembre 1949, lors d’une conférence de presse tenue au Palais d’Orsay, il proclame : « l’organisation de l’Europe est une chose énorme, extrêmement difficile et qui, à mon sens, implique un acte de foi populaire. Les institutions de l’Europe doivent naître des Européens, c’est-à-dire d’une manifestation démocratique, par le suffrage universel, des citoyens de l’Europe. »

Au Rassemblement pour l’Europe nous pensons qu’une issue possible à la crise actuelle pourrait être l’organisation simultanée auprès des peuples des 27 Etats membres d’un vaste référendum proposant un texte fédérateur affirmant leur volonté de s’unir pour vivre leur avenir en commun dans la Paix et la Prospérité. Ce texte ne devrait énoncer que des grands principes de respect des droits humains, de liberté et d’égalité des chances afin qu’il soit acceptable pour tous les peuples, toutes les idéologies et tous les partis. Il pourrait servir d’événement fédérateur dans la marche vers une constitution européenne. L’initiative devrait en être prise par le Président du Parlement européen ou, comme le suggérait Winston Churchill, par la France.

Jean-Marie BRUNEEL
La Bruyère

Mai 2007