Osons de Gaulle, suivons de Gaulle : la voie tracée

Choisis une étoile dans le ciel et suis la toute ta vie

Après le départ de Jacques Chirac, dernier président à avoir eu le privilège d'exercer ses fonctions sous l'autorité du Général et l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy avec son style original, l'heure du bilan semble être venue : que reste t-il aujourd'hui du Général de Gaulle ? Essentiellement deux réussites : l'Europe et la constitution française.

Nous avons démontré dans plusieurs articles le rôle éminent du Général dans la construction européenne. Il est revenu au pouvoir, en 1958, à un moment où tout était possible et il a permis le lancement du Marché commun.

Marie-Thérèse Bitsch analyse pertinemment cette situation dans son Histoire de la construction européenne paru aux éditions complexe.

« Très vite, la Communauté est confrontée à deux risques majeurs. Le premier est lié à la proposition britannique de créer une zone de libre-échange avec tous les pays de l'OECE. Lancée en 1956, elle est toujours en discussion début 1958 . Séduisante aux yeux de tous ceux qui souhaitent développer la coopération avec le Royaume-Uni, elle peut aussi gêner la réalisation du Marché commun qui pourrait se dissoudre dans la zone de libre échange comme « un morceau de sucre dans une tasse de thé » selon l'image souvent utilisée. Le second risque se profile avec la crise politique française du printemps 1958 et le retour au pouvoir du général de Gaulle. Le chef du RPF a laissé aux partenaires de la France le souvenir du pourfendeur de la CECA et de la CED ... Les Cinq peuvent donc légitimement s'interroger sur les intentions du nouveau chef de gouvernement. Va-t-il respecter les traités signés, ratifiés et entrés en vigueur ou tout remettre en question ? »

Ces deux défis vont recevoir une réponse énergique du Général comme l'analyse Marie- Thérèse Bitsch : « Le général de Gaulle revenu au pouvoir le 1er juin 1958, durcit encore les positions de la France. Il ne veut pas permettre à l'Angleterre de briser la cohésion des Six. Aux raisons économiques s'ajoutent des arguments politiques. De Gaulle s'efforce de rallier les Cinq à ses vues, obtient le soutien des Italiens dès le mois d'août et réussit à convaincre Adenauer, lors de leur rencontre à Bad-Kreuznach. Alors que les Six venaient d'élaborer un compromis pour continuer à négocier au sein de l'OECE, le gouvernement français, par la voix de son porte-parole, annonce le 15 novembre qu'il ne lui paraît pas possible de créer la zone de libre-échange. Un conseil des ministres des Dix-sept convoqué de toute urgence pour le 15 décembre, présenté parfois comme une « séance historique » voit s'affronter le ministre britannique qui menace de recourir à des représailles et le ministre français qui refuse de négocier sous la menace. Il marque, en fait, l'arrêt de mort de la grande zone de libre-échange. Les Six jouent la solidarité et la réunion prévue à l'OECE en janvier pour poursuivre les négociations est annulée »

Quant à son attitude face au nouveau traité instituant le Marché commun, le Général la précise très rapidement : « Recevant le premier ministre Mac-Millan à Paris, fin juin, il lui dit « On ne peut pas déchirer ce qui a été fait ». Il veut donc respecter les engagements pris par un gouvernement de la France, au nom de la continuité de l'Etat. »

Le Général confirme dans ses Mémoires qu'il détenait entre ses mains le sort du Marché commun : « Enfin, pour la Communauté économique, l'adoption des règlements agricoles liée à l'abaissement des douanes industrielles dresse des obstacles que la Commission de Bruxelles ne peut franchir par elle-même. Il faut dire qu'à cet égard l'esprit et les termes du traité de Rome ne répondent pas à ce qui est nécessaire à notre pays. Autant les dispositions qui concernent l'industrie y sont précises et explicites, autant sont vagues celles qui évoquent l'agriculture. Cela tient, apparemment, à ce que nos négociateurs de 1957, emportés par le rêve d'une Europe supranationale et voulant conclure à tout prix quelque chose qui s'en approchât, n'ont pas cru devoir exiger qu'un intérêt français, essentiel pourtant, recût satisfaction au départ. Il faudra donc, soit l'obtenir en cours de route, soit liquider le Marché commun.
Mais la France et le bon sens l'emportent. Au cours de la nuit du 13 au 14 janvier 1962, après des débats dramatiques, le Conseil des ministres des six Etats décide formellement l'entrée de l'agriculture dans le Marché commun ... Moyennant quoi, l'application du traité peut entamer sa deuxième phase. Mais jusqu'où pourra-t-elle aller, étant donné les troubles que, de leur côté, les Anglais s'efforcent de susciter et la propension de nos cinq partenaires à se tenir sous leur influence ? Que la Grande-Bretagne soit foncièrement opposée à l'entreprise, comment s'en étonnerait-on, sachant qu'en vertu de sa géographie, par conséquent de sa politique, elle n'a jamais admis, ni de voir le Continent s'unir, ni de se confondre avec lui? On peut même dire d'une certaine façon que, depuis huit siècles, toute l'histoire de l'Europe est là ...
Mais la partie n'est que remise. Au milieu de 1961, les Anglais reprennent l'offensive. Comme du dehors, ils n'ont pu empêcher la Communauté de naître, ils projettent maintenant de la paralyser du dedans. Cessant d'en réclamer la fin, ils se déclarent au contraire, désireux d'y accéder. Aussi proposent-ils d'examiner à quelles conditions cela doit se faire, « pourvu qu'il soit tenu compte de leurs relations spéciales avec le Commonwealth et avec leur associés de la Zone de libre-échange, ainsi que de leurs intérêts essentiels concernant l'agriculture » En passer par là, ce serait, évidemment, renoncer au Marché commun tel qu'il a été conçu. Nos partenaires ne peuvent s'y résoudre.
Mais, d'autre part, dire « Non » à l'Angleterre, c'est au-dessus de leur forces ... Je vois donc approcher le jour où je devrai, ou bien lever l'hypothèque et mettre fin aux tergiversations, ou bien dégager la France d'une entreprise qui serait dévoyée à peine aurait-elle commencé.
»

La voie à suivre sera principalement définie lors de la rencontre du Général avec Konrad Adenauer, le 14 et 15 septembre 1958 à Colombey les Deux Eglises : la construction d'une Europe européenne au départ de la réconciliation des Germains et des Gaulois et limitant l'influence des Anglo-Saxons.

Nous avons abondamment laissé la parole au Général dans nos articles précédents qui, à propos de cette voie à suivre, utilise une expression grandiose : « renverser le cours de l'histoire ». Écoutons maintenant le Chancelier Konrad Adenauer, la conscience pure du peuple germanique (Mémoires – Tome 3 – 1956/1963 – Editions Hachette) :

« La construction d'une Europe unie était une nécessité absolue ... Les Américains avaient largement et généreusement aidé l'Europe, mais leurs réactions – bonnes ou mauvaises – étaient toujours un peu rapides. C'était un peuple très jeune, dont on ne pouvait savoir exactement quelle serait à la longue l'attitude... Dans ces conditions, nous devions faire nos plans pour le cas le plus défavorable et essayer de rendre l'Europe indépendante des Etats-Unis ...
Au sujet de l'O.T.A.N. je me déclarai fort peu satisfait ...
Aussi l'Europe devait elle s'unir et, avant tout, l'amitié et la collaboration entre la France et l'Allemagne devaient-elles être renforcées. J'étais persuadé de la nécessité absolue de cette union. La création de l'Europe était très importante pour la politique mondiale ... Pour ce faire , une bonne entente entre la France et l'Allemagne était nécessaire ...
Pour lui comme pour moi, l'entente franco-allemande était un impératif. Ce n'était que par cette amitié qu'il serait possible de sauver l'Europe occidentale.
»

Et de conclure : « Je m'étais représenté de Gaulle tout autre que je le découvrais maintenant, au cours de notre entretien. J'étais surpris le plus agréablement du monde par sa simplicité et son naturel ... J'étais très satisfait de notre rencontre. J'étais heureux d'avoir trouvé tout autre homme que ce que j'avais craint. J'étais sûr que notre collaboration serait bonne et confiante. Le plus important de notre entretien, c'était la révélation de l'harmonie de nos vues sur les réalités du moment : nous étions d'accord sur toutes les grandes questions, et cet accord ne serait pas remis en cause, même s'il surgissait des problèmes délicats. Tout cela constituait une excellente base de départ pour les rapports franco-allemands ...
Je me félicitais d'avoir fait la connaissance de de Gaulle chez lui, loin de Paris. Je crois, en effet, que l'on ne peut avoir une juste opinion de lui qu'après l'avoir vu et lui avoir parlé dans son univers familier. Après cette rencontre, j'avais la certitude que, sous sa direction, la France sortirait des terribles désordres des dernières années, qu'elle évoluerait dans le calme et la régularité et qu'avant tout une bonne et fructueuse collaboration se développerait entre elle et l'Allemagne. Je ne doutais pas que le travail en commun des deux nations contribuerait au bien de toute l'Europe et à la consolidation de la paix dans le monde.
»

Aujourd'hui, certains leaders européens ne sachant pas toujours quelle voie emprunter nous pensons que cette voie tracée par le Général et Konrad Adenauer doit être suivie et nous proposons :

  • la rencontre des Germains , de la culture germanique et des Gaulois, de la culture latine sur le territoire des Belgae de Jules César;
  • la promotion du français, fille aînée du latin;
  • le recentrage des activités humaines sur l'agriculture , la culture et la recherche;
  • la planification des populations ( suppression des allocations familiales au-delà d'une certaine limite);
  • un développement durable;
  • le désarmement de la planète;
  • la légalisation de toutes les drogues
  • la gouvernance mondiale appliquant le droit international.

Nous étudierons la constitution du Général dans un prochain, et sans doute, dernier article et ferons nos propositions institutionnelles. Ensuite, après avoir philosophé, il nous faudra oeuvrer pour atteindre notre étoile.

Jean-Marie BRUNEEL
Président du Rassemblement pour l'Europe
La Bruyère

Avril 2008