Une ineptie dans l'enseignement de la comptabilité

Article publié sur le site Becompta : http://www.becompta.be/modules/news/article-943.html

Jean-Marie Bruneel, auteur du livre sur les principes de la comptabilité, soulève une confusion d'un point de vue comptable. Est-ce que les ressources de l'entreprise doivent être prises en compte à l'actif ou au passif ?

Auteur d'ouvrages traitant des sciences économiques, j'ai suivi pendant plusieurs années la théorie des emplois - ressources pour la présentation du bilan. C'est toutefois avec beaucoup de circonspection que j'adoptais cette présentation du bilan et mes discussions sur le sujet avec Monsieur Vincent, auteur d' ouvrages de comptabilité, étaient très critiques sur cette voie suivie par la communauté scientifique. C'est ce dernier qui m'apprit que cette théorie, inexistante au moment de mes études, avait été introduite dans notre pays par des auteurs français.

C'est tout à fait par hasard que je découvris lors d'une de mes visites à la bibliothèque de l'Ordre des experts comptables un ouvrage des années 50 présentant les ressources à l'actif. Je fus toutefois totalement conforté dans ma critique par la lecture de l'ouvrage de Messieurs Stolowy, Lebas et Langlois Comptabilité et analyse financière paru aux éditions De Boeck et qui présente les ressources à l'actif.

Ainsi, les candidats à l'étude de la comptabilité se trouvent face à certains auteurs qui présentent les ressources à l'actif et d'autres qui les mettent au passif. Quelle aberration et quelle difficulté pour les apprenants désireux d' étudier la science comptable !

Lors d'un de mes cours de comptabilité à l'Institut Cooremans une étudiante particulièrement perspicace suggéra de les indiquer au milieu et c'est cette voie que nous avons également suivie dans la dernière édition de notre ouvrage Principes de comptabilité paru aux éditions D2H. Nous reproduisons ici un extrait de notre ouvrage Principes de comptabilité traitant de la présentation du bilan.

"Chez les théoriciens et dans la pratique, on rencontre une très grande confusion de vocabulaire nuisible à la compréhension de la comptabilité.

Ainsi, les éléments du bilan sont décrits de la manière suivante:

  • certains auteurs présentent l'actif comme les ressources; d'autres, plus confus encore, décrivent le passif comme les ressources ou l'origine des ressources;
  • l'actif est parfois décrit comme les moyens d'action de l'entreprise tandis que la législation belge parle de moyens propres pour désigner le passif non exigible;
  • les capitaux permanents représentent le passif à long terme alors que la notion économique de capital fixe et circulant ainsi que les capitaux monétaires sont de l'actif;
  • les fonds placés en banque sont de l'actif tandis que les fonds propres sont inscrits au passif;
  • les avoirs sont inscrits à l'actif tandis que l'avoir social et l'actif net font partie du passif.

Face à cette anarchie nous devons clarifier la situation.

La meilleure définition du bilan est la définition légale en regard du droit de propriété: le bilan présente le patrimoine avec, à l'actif, les avoirs et les droits et, au passif, les dettes.

La définition économique en regard de la production et de la consommation présente le patrimoine sous deux aspects: à l'actif, l'utilisation ou l'emploi du patrimoine, au passif, son origine.

Le bilan est un Janus au double regard; cela explique les confusions.

Ainsi, le bilan présente à l'actif l'emploi ( la consommation) et au passif l'origine ( la production) du patrimoine, des ressources, des moyens, des capitaux ou des fonds de l'entreprise.

Nous verrons plus loin qu'il en est de même pour le décompte de résultats.

L'explication économique consommation/emploi et production/origine est extrêmement intéressante pour comprendre la comptabilité, spécialement le décompte de résultats, et pour entreprendre une réflexion vers l'économie politique et principalement la comptabilité nationale.

Elle permet également d'universaliser les sciences économiques."

Jean-Marie Bruneel

Février 2010