LE GENERAL DE GAULLE AIMAIT FUMAY ET FUMAY AIMAIT LE GÉNÉRAL

Ce mardi 23 avril 1963 le temps était magnifique pour la visite officielle du Général de Gaulle dans les Ardennes mais la partie n’était pas pour autant gagnée.

L’attentat du Petit-Clamart a eu lieu quelques mois auparavant, l’OAS est partout, le dispositif de sécurité est considérable au grand dam de la population et la CGT a donné des consignes d’abstention.

La visite ne démarre pas au mieux pour cette journée dans les Ardennes.

A Rimogne, aucun vivat et aucune ovation ne saluèrent le responsable de la Nation. Le maire présente un cahier des doléances comme message de bienvenue et lui remet un bulletin de paie d’ouvrier ardoisier en guise de fleurs.

A Rocroi, la maire Andrée Viénot proclame «  Je manquerais de courage et de franchise si je dissimulais le fait que personnellement et avec la majorité du conseil municipal je me compte parmi les adversaires les plus fervents du régime institué en 1958 »

Ainsi, tout est possible ce mardi 23 avril en début de journée mais … tout va basculer … à Fumay, vers 10 heures 10 .

Fumay accueille le Général avec ferveur et grande sympathie.

Tout y est : la garde d’honneur arrivée dès dimanche à l’hôtel des Roches, l’harmonie, la sono, la population qui l’appelle et l’acclame, les fleurs, les sourires et les embrassades de Miss Fumay et de ses demoiselles d’honneur, de très nombreuses associations patriotiques et professionnelles, le Maire, Monsieur Petit, qui lui souhaite la bienvenue en déclarant : «  Fumay , vieille cité de l’ardoise, est heureuse de vous accueillir et, en son nom, avec toute la population et son conseil municipal, je vous présente tous nos plus sincères souhaits de bienvenue et vous dis toute l’espérance que votre visite suscite au cœur des Fumaciens. Vous leur rappelez l’espoir qu’ils avaient mis en 1919 lors de la visite de Monsieur le Président Poincaré ; avec lui , c’était le début d’une reconstruction des ruines de la guerre 1914-1918 ; avec vous Monsieur le Président, c’est la naissance de nouvelles espérances : la reconstruction du vieux pont de bois de 40-45, la réfection de nos routes et surtout, pour nos jeunes, descendants d’une main d’œuvre qualifiée, l’espoir d’implantation d’usines nouvelles, d’un renouveau de cette vieille terre ardennaise très attachée à notre France et à son illustre représentant » 

Bouleversé par cet élan de sympathie le Général déclare : «  Ce n’est pas sans émotion que je me trouve là où, quand j’étais jeune, c’est à dire il y a bien longtemps, j’ai été cantonné. C’était à la veille des combats de Dinant . Fumay s’est beaucoup transformé depuis. C’est maintenant une ville, presque une grande ville. Elle est placée sur un axe qui la désigne pour un grand développement »

Peu de temps après cette illustre visite Fumay avait son nouveau pont et l’ancien fut reconstruit à Saint-Nicolas, aux dires d’un fumacien reconnaissant. (il y aurait toutefois confusion avec Anchamps)

La suite du voyage est épique : arrivé à Haybes de nombreux habitants l’attendent à la gare mais l’arrêt dans cette jolie commune reconstruite après son martyr de la première guerre mondiale n’est pas prévu. Au grand dam de ses services de sécurité le général fait arrêter le cortège et va à la rencontre de la population en serrant les mains . Il proclame : « Je me souviens très bien de Haybes. J’y ai couché en 1914 et j’y fus blessé en tombant de cheval ».

La suite de la journée se déroula au mieux sans incident et le Général se déclara enchanté de son séjour en Ardennes .

Pour comprendre cet amour du général pour les Ardennes et particulièrement Haybes et Fumay il faut remonter le temps jusqu’en 1914.

Haybes, Fumay et quelques autres communes des Ardennes peuvent se glorifier d’un grand fait de l’Histoire de France, de l’Europe et du Monde : le général a débuté sa carrière, en 1914, dans leur environnement.

En effet, il sort de Saint -Cyr en septembre 1912 et est affecté au 33e régiment d’infanterie d’Arras commandé par le général Pétain où il est promu au grade de lieutenant. L’Allemagne attaque la France le 2 août 1914 et le lieutenant de Gaulle prend le train jusque Hirson .

Ensuite marche forcée pour arriver à Fumay le 10 août et à Haybes le 11 où il reste le 12. Le 13 il reprend la route pour arriver le 15 à Dinant où il est blessé. Il retournera au front à Pontavert.

Quelques années plus tard, nouveau signe du destin, il rencontre sa future épouse dont la famille possède un château à Septfontaines où, fait interpellant, l’empereur Guillaume II et son état-major venaient se divertir. Il rédige ses premiers ouvrages au château.

Le général sera très présent dans la région pendant l’entre deux guerres.

On le rencontre à Laifour, aux Hauts-Buttés d’Hargnies pour prier Saint Antoine, à Gruyères, à Charleville, à Fagnon, …

En 1954, il revient à Haybes pour se remémorer ses bons souvenirs avec le secrétaire communal M. Thunus . Dans les années soixante un fumacien le voit atterrir en hélicoptère à la place du Bâti.

Ainsi, on peut conclure, avec Max Gallo, que l’homme du 18 juin a été forgé dans la vallée de la Meuse. De Gaulle le confirme en évoquant sa blessure sur le pont de Dinant dans ses carnets et notes : «  Comment je n’ai pas été percé comme une écumoire durant le trajet, ce sera pour toujours le lourd problème de ma vie. ».


 

M. BRUNEEL

La Bruyère

 

Cet article est dédicacé à M.Soeck père qui a protégé le Général en 1963 et à son fils qui l'a résuscité en 2019.

Après Fumay et Dinant, le Général passera pratiquement toute sa guerre de combattant à Pontavert où il ne sera jamais blessé.

Avril 2019