SUR LE CHEMIN DE LA PAX UNIVERSALIS EN COMPAGNIE D’UN GÉNIE : VICTOR HUGO

Tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres
de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
Les misérables Hauteville-House,1862

L’Histoire de l’Humanité est parsemée de hasards ou signes, de décisions et de batailles qui lui indiquent le chemin à suivre et sans doute son sens vers la Pax Universalis.

Il y a des moments, des jours ou des périodes où tout bascule d’un chemin vers un autre. Ainsi le jour où Ponce Pilate a pris la décision de crucifier le Christ, l’Humanité est entrée dans l’ère chrétienne et ensuite musulmane. Le jour, un certain 18 juin 1815, où Napoléon a été vaincu à Waterloo, le leadership mondial français devint britannique. Après les deux guerres mondiales les États-Unis d’Amérique prirent la place des Britanniques au sommet du Monde.

Aujourd’hui, en 2022, nous voyons à nouveau, avec l’Ukraine, l’Europe au centre de grands bouleversements géopolitiques et nous pensons que, peut être durant la présidence de M. Macron, la France pourrait avoir une chance, peut être la dernière, de jouer un rôle de premier plan.

Dans un précédent article nous avons montré comment le Général de Gaulle, en passant par Arras, Fumay, Pontavert et Verdun, avait préparé cette chance historique. Nous avons ensuite indiqué le chemin à suivre. Nous étions à ses côtés sur ce chemin.

Poursuivons, avec l’auteur des Misérables, ce chemin. Il commence par une belle matinée de mai 1861, lorsque Victor Hugo arrive à Nivelles et prend la route de Waterloo. Il passe devant la rue du Paradis où nous habitions avec notre père, notre mère Marie et notre frère Luc, se dirige ensuite vers Lillois où il longe la future maison de notre parrain et de notre tante Martha Saint Jean, passe par la ferme Henricot à Braine l’Alleud où travaillait notre père et enfin arrive, quelques pas plus loin, à la ferme d’Hougoumont. Là, une porte s’ouvre et Victor Hugo, redressé, aperçoit, à travers les arbres, le Lion au sommet de la butte.

De l’autre côté du Lion, là où je donnais mes leçons à l’Institut Bischoffsheim, rue de la Blanchisserie à Bruxelles, l’armée britannique dansait au bal de la duchesse de Richmond et le Duc de Wellington préparait son plan de bataille avec son état major dans la salle du Conseil où je préparais mes cours.

Dieu sait qui allait trancher : un Monde anglophone ou un Monde francophone ?

Victor Hugo est grandiose dans Les Misérables : « Napoléon avait été dénoncé dans l’infini, et sa chute était décidée. Il gênait Dieu. Waterloo n’est point une bataille ; c’est le changement du front de l’univers. » Victor Hugo et le Général de Gaulle sont les deux Français qui ont le plus œuvré à la construction d’une Europe d’inspiration culturelle française. Tous deux aimaient profondément la France et les Français. Jean Monnet a également œuvré à ce chantier pharaonique. La contribution du Général, nous l’avons décrite, est pragmatique et politique; celle de Victor Hugo est plutôt spirituelle et culturelle. Il prépare les esprits.

Conscient de l’effondrement de la France après le 18 juin 1815, et dans l’attente, qui durera 125 années, d’un prochain 18 juin, Victor Hugo va inviter la France à rêver des Etats-Unis d’Europe:

«Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne… Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le Parlement est à l’Angleterre, ce que la diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être! Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique, les États-Unis d’Europe placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers,… sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu !
Et ce jour là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener….
Et Français, Anglais, Belges, Allemands, Russes, Slaves, Européens, Américains, qu’avons-nous à faire pour arriver le plus tôt possible à ce grand jour ? Nous aimer. Nous aimer !
Dans cette œuvre immense de la pacification, c’est la meilleure manière d’aimer Dieu ! Car Dieu le veut, ce but sublime!
»
Discours d’ouverture au congrès de la paix de Paris (21 août 1849) dans L’Europe de Victor Hugo par André et Danielle Cabanis aux éditions Privat

Victor Hugo a proposé, suite à la guerre de 1870, une réconciliation entre la France et l’Allemagne après la «victoire de la France et de ses alliés européens suivie d’une paix généreuse qui permettrait de fonder les États-Unis d’Europe» idem

Considéré comme absurde à son époque cette proposition allait se révéler prophétique puisque, après la seconde guerre mondiale, le général de Gaulle allait inviter Konrad Adenauer à Colombey les deux Églises le 14 septembre 1958 pour lui proposer une cordiale entente pour reconstruire l’Europe. La réconciliation entre les deux pays aboutira à la signature du traité de l’Élysée, le 22 janvier 1963.

Aujourd’hui, le général et le génie nous ont quitté et nous devons poursuivre sur le chemin qu’ils nous ont tracé pour faire régner la divine Paix universelle.

Un jour viendra …… et nous l’atteindrons. Selon la prophétie le guide devra avoir du germain et du gaulois en lui.

Nous conclurons à nouveau avec Otto de Habsbourg-Lorraine et son neveu : «  Nous sommes près du but. Il nous manque, toutefois l’assurance du succès définitif. La Providence attend ceux qui doivent fournir le peu qui manque à son oeuvre »

Sur les marches qui mènent au Palais le prince Lorentz m’apostropha : « Vous avez une belle cravate ! »

Je le pris dans mes bras.

Un jour viendra…

J-M Bruneel
La Bruyère, octobre 2022

Octobre 2022