Le général de Gaulle : premier président de l'Europe

Les événements les plus récents nous invitent à affirmer notre foi européenne et notre respect le plus profond pour la dimension visionnaire et universelle de l’action et de la pensée du Général de Gaulle.

On peut s’étonner de l’intitulé du titre de cet article quand on connaît les réserves qu’émettait le Général de Gaulle à l’encontre de la construction européenne et son apologie pour les états nations. Nous voudrions démontrer que le gaullisme n’est nullement incompatible avec l’idée d’une « Europe européenne, tout entière réunie » « ayant au milieu du monde son caractère et son organisation » comme se plaisait à l’écrire le Général dans ses mémoires d’espoir.

Pour comprendre le gaullisme, il faut replacer de Gaulle dans le contexte historique et sociologique de son époque. Les défis qu’il a à relever sont immenses : la guerre en Algérie, une nouvelle constitution pour son pays, la restauration de la grandeur internationale de la France et on peut comprendre qu'il perçoive la construction européenne avec une certaine distance.

Pourtant, comme l’analyse si brillamment Christine Ockrent dans son ouvrage l'Europe racontée à mon fils, revenu au pouvoir le Général ne va pas bloquer la construction européenne mais l’orienter vers ce qu'il estime être l’intérêt général.

« Le traité de Rome entre en vigueur le 1er janvier 1958. Six mois plus tard, l'Europe s’inquiète : la guerre d’Algérie a bouleversé la France, corrodé la IVe République qui tombe devant les complots de l’extrême droite, le général de Gaulle ramasse le pouvoir. Son prestige est immense, son autorité écrasante. Que va faire de Gaulle ? ... Il peut dénoncer le traité de Rome, qu’il a désapprouvé l’année précédente, effacer d’un coup dix ans d’efforts. Eh bien, non. Il assure que la France respectera sa signature. Mieux : dès l’automne 1958 il reçoit chez lui, à Colombey-les-deux-Eglises, le chancelier Konrad Adenauer : ils proclament avec force la réconciliation franco-allemande… De Gaulle dira plus tard : « les Gaulois et les Germains constatent qu’ils sont solidaires », il parlera de « la coopération de deux grands peuples réconciliés », il affirmera : « Nous avons le devoir d’être frères » Enfin il définira l'Europe comme « une grande espérance »

Quand on sait que le couple franco-allemand constitue la locomotive de l'Europe sans laquelle rien ne peut se construire on ne pourra reprocher au Général de ne pas y avoir contribuer.

L'actualité de ce début d’année 2003 témoigne à merveille de l’impact considérable qu’exerce la politique du Général au sommet des relations internationales et par la même sur l’histoire de l’Humanité.

Ainsi, le 22 janvier 2003, à l’occasion du 40ème anniversaire du traité de l'Elysée, le couple franco-allemand à poser un acte très fort en affirmant son credo pour la Paix, prenant ainsi ses distances avec l’Amérique guerrière de Georges W. Bush. Cette prise de position a eu des conséquences immédiates dont on ne mesure certainement pas encore assez l’influence considérable sur les relations futures entre les Etats et les Peuples : l’agacement des Etats-Unis qui, décontenancés en sont arrivés aux humiliations à l’encontre de la « vieille Europe » ; l’allégeance à l’Amérique de certains gouvernements européens au mépris de leur opinion publique et de la construction européenne ; la dichotomie simplificatrice qui s’installe dans les médias entre le « camp de la Paix » et « le camp de la guerre ».

Autre conséquence de cet électrochoc voulu par le Général : la conférence de presse conjointe, dans une atmosphère très gaullienne, des présidents Poutine et Chirac scellant la convergence de vue entre la France et la Russie sur le dossier irakien et les fondements d’une nouvelle coopération.

Les paroles du Général prononcées le mardi 22 janvier 1963 annoncent ce nouveau chambardement des relations internationales et résonnent comme une prophétie dans notre tête :

« Il n’y a pas un homme dans le monde qui ne mesure l’importance capitale de cet acte, non pas seulement parce qu’il tourne la page après une si longue et si sanglante histoire de luttes et de combats, mais aussi parce qu’il ouvre toutes grandes les portes d’un avenir nouveau pour la France, pour l’Allemagne, pour l’Europe et par conséquent pour le monde tout entier. »

Le président Chirac a certainement eu ses pensées et son action inspirée par son guide spirituel au cours de ces événements. Ce président dont la majesté ressemble de plus en plus à celle du grand maître, notamment le jeu des bras telle l’envolée d’un albatros dont nous ne connaissions et ne reconnaissons qu’une seule image , celle d’un géant des cieux pourfendant les airs.

Nous laisserons le Père Bolly conclure cet article, lui, qui dans toute sa clairvoyance et avec toute sa gentillesse nous confiait, au vu d’une lettre du fils du Général, et en parlant de sa conception des états nations : « Il aurait évolué ».

J-M. BRUNEEL
Le Rassemblement pour l'Europe
La Bruyère

Février 2003