La construction européenne : des noms pour l'histoire

Paul-Henri Spaak juge Charles De Gaulle

« Le jour où le processus de la construction européenne engendrera un Président, les monarchies auront joué leur rôle »

Baudouin 1er, Roi des Belges

Dans deux articles précédents (Grandeur n° 88 Mars 2003 et n° 90 Octobre 2003) nous analysions l’impact considérable qu’a exercé le Général de Gaulle sur la voie choisie par la France, par l’Europe et par le Monde entre 1940 et 2003.

C’est, en effet, à partir du 22 janvier 2003 qu’on peut estimer que le Président Chirac aura réussi « à tuer le Père » et à mener sa propre politique qui est celle de mener l’humanité vers la Paix.

Paul-Henri Spaak et Charles de Gaulle sont tous deux des géants de la politique. Leur éloquence et leurs écrits témoignent de leur dimension exceptionnelle. L’un avait une pensée unique précise : la francité d’inspiration républicaine ; l’autre avait deux objectifs : l’ Europe et l’atlantisme. L’un fut un grand homme d’Etat, l’autre un grand homme politique. Ils ne s’appréciaient guère.

Paul-Henri Spaak confesse avoir été gaulliste à Londres, pendant la guerre et en 1958 ; par la suite, il voit en lui un dangereux adversaire de l’alliance atlantique et de l’unité européenne. Cela explique la grande férocité avec laquelle il juge, à certains moments, le Général dans ses mémoires Combats inachevés.

« Je me suis souvent posé la question : est-il vraiment un grand homme qui laissera une œuvre importante ? Lorsqu’on écrira l’histoire de notre temps, on parlera beaucoup de lui, mais quand on fera le compte de ce qui lui survivra, on s’apercevra que rien de durable n’aura été accompli.

[…]

Quand de Gaulle descend dans l’arène politique, il s’écrie : « Après moi tout s’écroulera. » C’est l’aveu de son échec. Dans l’histoire de France, il ne prend place ni comme un continuateur, ni comme le premier d’une lignée. Il est un accident, peut-être prodigieux, mais tout de même éphémère. A cause de cela, il n’est pas un vrai grand homme, mais il reste une exceptionnelle personnalité. Voilà sa mesure. Ce qu’il est est dès lors plus important que ce qu’il fait.

[…]

En vérité, je n’aperçois dans son action ni doctrine, ni grand dessein qu’il poursuivrait avec continuité. Tout au plus s’attache t-il à défendre avec obstination des conceptions dépassées ».

Paul-Henri Spaak quitta la politique abandonnant ses pairs ou abandonné par ses pairs. Un seul lui resta fidèle lors de son dernier discours.

À la sortie de la Chambre, il était seul. Sa femme l’attendait. Elle le prit par le bras.

Jean-Marie BRUNEEL
Le Rassemblement pour l’Europe
La Bruyère

Août 2003