La construction européenne : des noms pour l'histoire

Winston Churchill sauve le Monde libre

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Nous avons montré[1] comment la fidélité de Jacques Chirac à la mémoire du Général de Gaulle lui avait permis d’atteindre les sommets et d’être considéré comme le primus inter pares au sein de la gouvernance mondiale.

Nous voudrions aujourd’hui témoigner de la profonde reconnaissance que l’humanité doit au monde anglo-saxon et à deux de ses représentants les plus illustres : sir Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt.

L’admiration de Churchill pour le Général de Gaulle est immédiate. Ils se rencontrent pour la première fois à Briare, près d’Orléans, le 11 juin 1940. Le jeune général de Gaulle vient d’être nommé sous-secrétaire d’Etat à la Défense nationale. Ils dînent ensemble ; Churchill est entouré du Général et de Reynaud. Son jugement est sans équivoque : « Il était jeune et énergique et m’avait fait une impression très favorable » (Mémoires sur la deuxième guerre mondiale).

À l’instar de tout grand chef qui assume ses paroles Churchill va aider le jeune sous-secrétaire d’Etat à devenir le « Connétable de la France » : « Il nous fallait évidemment faire tous nos efforts pour constituer des forces susceptibles d’aider le Général de Gaulle à conserver vivant la vraie France ». Quelques jours plus tard, lors de son voyage à Tours, Churchill va s’adresser au général comme l’aurait fait le Christ pour paraphraser Victor Hugo dans les Misérables. La France était à l’agonie. Ses responsables hésitaient entre la capitulation et la lutte jusqu’à la mort.

« Comme nous descendions parmi une foule de gens l’escalier qui conduit à la cour, j’aperçus le général de Gaulle debout dans l’encadrement de la porte, impassible, le regard absent. Je le saluai et lui dis à voix basse, en français : « L’homme du destin ». Il ne broncha pas. »

Et encore, plus loin, quand le général saute dans l’avion de Spears « De Gaulle dans ce petit avion emportait avec lui l’honneur de la France ».

Ainsi ces deux géants de l’histoire se sont rencontrés, se sont admirés et ont collaboré pour faire face au plus grand défi de tous les temps : la furie barbare de Hitler. L’honnêteté intellectuelle nous oblige toutefois à reconnaître le rôle primordial de Churchill . La France étant à genoux, il a réussi à galvaniser son peuple et à l’entraîner dans une lutte héroïque contre l’envahisseur nazi. En été et en automne 1940 l’Angleterre était pratiquement seule pour défendre le monde libre. La bataille d’Angleterre fut épique et l’aviation triompha de l’ennemi. Ainsi, l’histoire démontrait à nouveau, après la tentative de Napoléon, que les armes ne permettraient jamais de vaincre ce peuple courageux.

Non content d’assumer le rôle de connétable de la lutte contre le nazisme W Churchill va poser les fondements de l’Organisation des Nations Unies.

Le président Roosevelt lui suggère qu’il serait bon de fixer dans une déclaration les principes généraux de leur action commune et dès le 11 août 1941 Churchill propose un texte. Nous reproduisons intégralement ce texte de Churchill et la réaction de Roosevelt car il nous paraît essentiel de remonter à la genèse de l’ONU pour mieux juger les dirigeants des pays du camp de la guerre dans le conflit irakien.

Le Président des Etats-Unis d’Amérique et le Premier Ministre, M.Churchill, représentant le gouvernement de Sa Majesté dans le Royaume-Uni, s’étant rencontrés pour décider et concerter les moyens d’assurer la sécurité de leur pays respectifs en face de l’agression germano-nazie et des dangers qu’elle fait courir à tous les peuples, estiment devoir faire connaître certains principes qu’ils acceptent tous les deux comme cadre général de leur politique et sur lesquels ils fondent leurs espoirs d’un avenir meilleur pour le monde.

1° Leurs pays ne recherchent aucun agrandissement territorial ou autre.

2° Ils ne désirent voir aucun changement territorial qui ne soit pas conforme à la volonté, librement exprimée, des peuples intéressés.

3° Ils respectent le droit pour tous les peuples de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ceux-ci entendent vivre. Ils se préoccupent uniquement de défendre la liberté de parole et de pensée sans laquelle ce choix serait nécessairement illusoire.

4° Ils s’efforceront de réaliser une juste et équitable répartition des produits essentiels, non seulement à l’intérieur de leur propres frontières, mais entre toutes les nations du monde.

5° lls recherchent une paix qui non seulement jettera bas à tout jamais la tyrannie nazie mais qui grâce à une organisation internationale efficace, apportera à tous les Etats et à tous les peuples, les moyens de vivre en sécurité à l’intérieur de leurs frontières, et de traverser les mers et les océans sans avoir à craindre d’attaques illégales ou sans être obligés d’entretenir des armements coûteux.

Le lendemain, le Président des Etats-Unis proposait deux paragraphes nouveaux :

6° Ils désirent que cette paix assure la sécurité de tous en haute mer et sur les océans.

7° Ils estiment que toutes les nations du monde doivent renoncer en esprit à l’usage de la force. La paix future ne pouvant être durable si des armements terrestres, navals ou aériens continuent d’être utilisés par des nations qui menacent, ou peuvent menacer, d’employer la force en dehors de leurs frontières, ils croient essentiel d’assurer le désarmement de ces nations. Ils favoriseront l’adoption de toute autre mesure pratique susceptible d’alléger l’écrasant fardeau des armements pour les peuples épris de paix.

Ainsi la paix apparaît quatre fois dans cette déclaration et on ne s’étonnera pas de l’immense notoriété dont jouissent les auteurs de cette déclaration.

Après la guerre, Winston Churchill sera très actif sur la scène européenne. Il évoque l’idée des Etats-Unis d’Europe lors de son célèbre discours à Zurich, le 19 septembre 1946. Churchill se lamente sur la tragédie de la seconde guerre mondiale et propose ensuite un remède permettant d’écarter la répétition des horreurs de la guerre :

« En quoi consiste ce remède souverain ? Il consiste à reconstituer la famille européenne … puis de dresser un cadre de telle manière qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté.
Nous devons ériger quelque chose comme les Etats-Unis d’Europe … Il suffit de la résolution des centaines de millions d’hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction
»

Il en appelle à une réconciliation franco-allemande.

Deux ans plus tard, il préside le Congrès de la Haye qui rassemble du 7 au 10 mai 1948 près de 750 délégués venus de presque tous les pays d’Europe. Le congrès adopte un « Message aux Européens » appelant à une Europe unie, une charte européenne des droits de l’homme, une cour de justice européenne et une assemblée européenne. Le congrès donnera naissance au Conseil de l’Europe et au Mouvement européen dont le premier président fut W. Churchill.

Ainsi, le Royaume britannique aura grandement contribué à la construction européenne et saura très certainement imprimer son empreinte lors de sa touche finale. La Reine d’Angleterre n’annonçait-elle pas dans son discours du trône du 26 novembre 2003 : « My Governement will play an active role in preparating the European Union for the accession of ten new member states next may. They will work hard to conclude negotiations on a new constitutional treaty for the European Union, following which they will introduce legislation to implement the treaty ».

Ainsi, la Reine d’Angleterre envisage très sérieusement l'application d'une constitution européenne. Ces paroles sont certainement de très bon augure pour notre avenir.

[1] Grandeur n° 88 mars 2003, n° 90 octobre 2003 et 93 2e trimestre 2004.

Jean-Marie BRUNEEL
Le Rassemblement pour l’Europe
La Bruyère

Juin 2004